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3 questions à Corinne François-Denève

Corinne François-Denève est enseignante-chercheure au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (CHCSC). Intervenant en licence de Lettres et en master Culture et communication, elle co-anime l’UE « pratique artistique théâtrale » et consacre sa recherche principalement à la littérature comparée, au roman et au théâtre.

le 6 décembre 2016

Publié le 29 novembre 2016 dans La lettre de la recherche n°31

Vous avez publié dernièrement deux ouvrages liés au théâtre. Comment cela s’articule avec votre recherche ?

« Hasard des sorties oblige, je viens en effet de sortir deux séries de traductions du suédois : Sauvé, d’Alfhild Agrell, et le Théâtre complet d’Anne Charlotte Leffler, qui comprend treize pièces. Cela fait à proprement parler partie intégrante de ma recherche de spécialiste de littérature comparée : je me consacre en ce moment à faire découvrir en France des dramaturges scandinaves de la fin du XIXe siècle. Ces femmes, "auteures", ou "autrices", furent en leur temps aussi célèbres et jouées que Strindberg ou Ibsen, mais la postérité les a oubliées. J’ai sous contrat deux autres traductions, cette fois de pièces de Victoria Benedictsson et Frida Stéenhoff. Mes traductions sont vraiment des traductions "pour le plateau" : elles ne sont pas littérales, mais visent à retrouver en français l’efficacité de la parole dramatique. J’aimerais beaucoup en effet que ces pièces soient jouées - j’en écris moi-même. Nous allons d’ailleurs faire une lecture de Sauvé à la Bibliothèque Nordique le 5 décembre. Parallèlement, je prépare un livre sur les figurations de Marilyn Monroe au théâtre, et sur les pièces qui ont accompagné les célébrations du centenaire de la Grande Guerre.  »

Vous mettez en scène, avec la complicité de Benoît Lepecq, des pièces de théâtre. Comment et quand avez-vous sauté le pas ?
« Je ne suis pas encore passée du côté de la mise en scène : je n’aurais pas cette prétention ! Tout au plus suis-je "dramaturge" des pièces que nous montons, et donc auteure, parfois accessoiriste et régisseuse... Je suis en effet Présidente de la Compagnie Benoit Lepecq. Benoit Lepecq, qui enseigne actuellement le théâtre au CMAD de Dunkerque, mais est aussi comédien, metteur en scène et auteur, est d’ailleurs mon "partner in crime" de l’UE théâtre que nous enseignons à l’UVSQ. L’UVSQ a en effet la rare particularité d’avoir inscrit dans ses maquettes, en UE libre, une UE de "pratique théâtrale". Ce n’est pas un atelier, que les étudiants peuvent faire sur leur temps libre en payant une somme modeste, c’est bien une UE, un cours, doté de 3 ECTS. Cette UE en est à sa troisième année, et nous avons la chance d’enseigner désormais le cours dans la très belle salle de représentation de la Maison de l’étudiant. Le cours est une gageure, pour les étudiants comme pour les enseignants : chaque semestre, Benoit et moi choisissons un thème, et cherchons des textes théâtraux en rapport avec ce thème ; et en 9 séances de 2 h, nous montons un spectacle de 40 minutes avec une vingtaine d’étudiants, qui doivent donc apprendre en très peu de temps leurs textes, et leurs placements. La "restitution" de cette UE théâtre a d’ailleurs lieu bientôt, le 7 décembre. Il y a même un "teaser" pour vous donner envie. Lorsque l’IECI, en tout cas, a décidé de mettre en place cette UE, on a tout de suite pensé à moi, qui travaillais sur le théâtre. Mais, n’étant jamais montée sur un plateau, j’ai voulu m’adjoindre l’expertise d’un "vrai" pratiquant ; je crois que l’association marche plutôt bien - nous sommes en tout cas toujours éblouis du travail des étudiants ».

L’Histoire, l’humour, Johnny, les autrices suédoises, etc. autant de thèmes éclectiques qui marquent vos publications...
« Éclectisme, dilettantisme... Le monde académique est parfois bien conservateur, et on regarde avec défiance ceux qui peuvent "faire tout et n’importe quoi". Je rectifie : on ne peut pas faire tout, et on n’est pas obligé de faire n’importe quoi. L’IECI m’a donné la chance d’enseigner des cours divers, de me confier les rênes d’un master d’administration culturelle qui me fait fréquenter et des conservateurs de musée et des circassiens, quand ce ne sont pas des spécialistes du rock... Le labo auquel j’appartiens, le CHCSC, et sa dominante "histoire culturelle", me permet d’exercer la même liberté - j’en sais gré à Christian Delporte et à Jean-Claude Yon. J’ai pu écrire sur l’écologie dans la chanson française, sur Renaud protestant, sur Johnny, sur Marilyn, sur la Grande Guerre - et donc sur mes obscures dramaturges suédoises. Johnny Hallyday a sans doute davantage marqué la vie des Français que Maeterlinck (que j’adore par ailleurs) et les chansons de Johnny Hallyday disent autant de choses sur la société française que La Recherche (et j’adore Proust). Cela me vient sans doute de mes grands-pères, artisan et cheminot, qui n’étaient jamais allés au théâtre, mais avaient un dictionnaire, et faisaient des mots croisés : j’abhorre le snobisme intellectuel, j’exècre la morgue des sachants ; j’aime les "mineurs" et les "mauvais genres". C’est aussi pour cela que nous avons organisé avec le CHCSC, la ville de Versailles et le théâtre Montansier, l’année passée, des "États généraux du théâtre populaire" : "l’élitaire pour tous", j’y crois férocement. J’emmène mes étudiants au théâtre, grâce à la générosité de l’UVSQ; à l’inverse, des étudiants ont pu me faire découvrir tel jeu vidéo sur 14-18 (inutile de le demander, je suis morte à chaque fois le premier jour de la guerre). Je pense que c’est aussi cette curiosité qui m’a permis d’accompagner, voire d’initier, les initiatives pédagogiques, scientifiques, de "valorisation", menées sans cesse à l’IECI et à l’UVSQ ».