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Augmentation des émissions anthropiques de méthane

Le Global Carbon Project (GCP) publie son analyse du bilan mondial des émissions et des puits de méthane (CH4) dans l’atmosphère. Deux articles sont publiés le 15 juillet dans les revues Environmental Research Letters et Earth System Data.

Ce bilan complet indique que les émissions mondiales de méthane ont augmenté de 9 % (soit environ 50 millions de tonnes) entre les deux périodes de référence 2000-2006 et 2017, et que les émissions anthropiques semblent être responsables majoritairement de cette augmentation, avec une répartition équitable entre le secteur des énergies fossiles et le secteur de l’agriculture et des déchets.
 
L'étude a été pilotée par une équipe de recherche internationale, menée par le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE, CEA-CNRS-UVSQ) en France, sous le couvert du Global Carbon Project, initiateur du travail.

Le méthane (CH4) est le deuxième gaz à effet de serre d’origine anthropique après le dioxyde de carbone (CO2). Son effet de réchauffement est 28 fois plus important par kilogramme que celui du CO2 sur un horizon de 100 ans. Depuis le début de la révolution industrielle, les concentrations de méthane dans l’atmosphère ont augmenté de plus de deux fois et demie. La cause est connue : l’augmentation des émissions est liée aux activités humaines. Après une période de stabilisation au début des années 2000, une nouvelle augmentation continue des concentrations de méthane est observée par les réseaux de mesures internationaux depuis 2007, avec une accélération depuis 2014. Cette croissance continue des émissions entraine une augmentation des concentrations de CH4 dans l’atmosphère à des taux annuels très importants. Cette augmentation suit la tendance des scénarios futurs qui sont incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris.

Marielle Saunois, enseignante-chercheuse au LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) et coordinatrice de l’étude précise que « ce bilan expose l’ensemble des connaissances actuelles sur chacune des sources du méthane, de la plus grande (les zones humides) à la plus petite (les hydrates) et a fait appel aux contributions de plus de 80 collaborateurs ». « Cela n’est pas si courant car pour traiter complètement le bilan du méthane, il faut intégrer un grand nombre de disciplines scientifiques, eu égard à la grande variété de sources d’émissions de méthane » ajoute Philippe Bousquet, professeur à l’UVSQ et co-auteur de l’étude.

Le bilan des émissions de méthane reste incertain, 60 % des émissions sont liées aux activités humaines

Cette valeur de 60 % reste approximative car les contributions des sources naturelles (zones inondées, lacs, réservoirs, termites, géologiques, hydrates, etc.) sont encore assez mal contraintes.
Les émissions des activités liées à l’agriculture et aux traitements des déchets (solides et liquides) représentent en revanche presque 60 % des émissions anthropiques. Celles-ci se répartissent ainsi dans les inventaires d’émissions :
- 30 % pour la gestion des troupeaux (fermentation entérique et gestion des fumiers)
- 22 % pour l’exploitation du pétrole et du gaz
- 18 % pour la gestion des déchets solides et liquides
- 11 % pour l’extraction du charbon
- 8 % pour la culture du riz
- 8 % pour les feux de biomasse et de biofuel
- Le reste est lié au transport (ex : transport routier) et à l’industrie

Les régions tropicales (<30°N) émettent 64 % des émissions totales de méthane, alors que les moyennes latitudes (30°N-60°N) en émettent 32 % et les hautes latitudes nord (> 60°N) seulement 4 %.

Les émissions anthropiques continuent d’augmenter, avec une répartition équitable entre le secteur agricole et le secteur des énergies fossiles
Entre la période de stagnation des concentrations de méthane dans l’atmosphère (2000-2006) et la dernière année du présent bilan (2017), les émissions mondiales ont augmenté de 9 %, soit 50 millions de tonnes (Mt) CH4 /an. 60 % de cette augmentation sont attribués aux régions tropicales, et le reste aux moyennes latitudes. Les émissions des régions arctiques ne semblent pas avoir augmenté significativement, ce qui signifie que, pour le moment, la forte sensibilité climatique des hautes latitudes ne se traduit pas par une forte hausse des émissions de méthane dans ces régions.

Croissance des émissions en Afrique, en Asie et en Amérique du Nord
Dans la synthèse de cette étude, les trois régions principalement responsables de cette augmentation sont l’Afrique, la Chine et l’Asie, avec chacune une augmentation de 10-15 Mt. L’Amérique du Nord contribuerait pour environ 5-7 Mt, dont 4-5 Mt pour les Etats-Unis. En Afrique et en Asie (hors Chine), le secteur « agriculture et déchets » contribue majoritairement à l’augmentation des émissions. Pour la Chine et l’Amérique du Nord, la croissance des émissions du secteur « Energies Fossiles » est la plus importante.

Décroissance des émissions en Europe
L’Europe est la seule région du monde où les émissions semblent avoir diminué : entre -4 et -2 Mt, selon la méthode d’estimation utilisée. Cette décroissance est liée majoritairement au secteur agricole et à la gestion des déchets.

Le rôle du réchauffement climatique
L’augmentation des températures entraine la fonte du pergélisol boréal et la création de lacs thermokarstiques, et les modèles prédisent des émissions de méthane plus importantes au cours du XXIe siècle. Cependant les méthodes basées sur les mesures de concentrations atmosphériques ne décèlent pas encore de signal allant dans ce sens.

La croissance des émissions entraîne une augmentation des concentrations de CH4 dans l’atmosphère
L’augmentation des émissions de méthane entraîne une augmentation des concentrations de ce gaz dans l’atmosphère. Les concentrations augmentent actuellement avec un taux de l’ordre de 8-12 partie par milliard (ppb)/an depuis 2014, aussi rapidement que dans les années 1980.
En 2017 et 2018, les taux de croissance de méthane dans l’atmosphère sont estimés à 8,5 et 10,7 ppb/an, ce qui les situe parmi les plus forts depuis 2000. Cette tendance correspond, pour le moment, à celle des scénarios futurs qui sont incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris. Il est donc nécessaire de surveiller l’augmentation des concentrations dans les années à venir et d’analyser leurs évolutions aux regards de cet accord.

Le méthane a une durée de vie plus courte que le dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Marielle Saunois indique qu’« il est impératif de continuer les efforts de quantification du bilan mondial du méthane, avec des mises à jour régulières comme pour le dioxyde de carbone car la diminution des émissions de méthane peut être rapidement bénéfique pour le climat. Si on veut rester sous la barre des 2 °C, et répondre à l’Accord de Paris, il ne faut pas se contenter de limiter les émissions de dioxyde de carbone, il faut les réduire ainsi que celles de méthane. »
Informations complémentaires
Publications : Ce communiqué de presse est coordonné autour de la sortie du bilan global de méthane pour la période 2000-2017, mis à jour par le Global Carbon Project (https://www.globalcarbonproject.org/). Il repose sur les publications suivantes avec les données et les analyses publiés le 15 juillet à 00h01 (heure CEST).
- Saunois et al. (2020) The Global Methane Budget 2000-2017. Earth System Science Data. https://doi.org/10.5194/essd-12-1561-2020
- Jackson et al. (2020). Increasing anthropogenic methane emissions arise equally from agricultural and fossil fuel sources. Environmental Research Letters. https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab9ed2

Accès aux données
Les données du bilan global de méthane sont en particulier visualisables depuis le Global Carbon Atlas, avec les bilans par pays et par secteurs. Pour la publication du bilan de méthane, le Global Carbon Atlas apporte un nouveau design et de nouvelles applications sur d’autres travaux réalisés avec le Global Carbon Project, sur les émissions de CO2 de 343 villes dans le monde, et sur le cycle du carbone et les émissions naturelles de CO2 des rivières et des lacs. Le Global Carbon Atlas est soutenu et financé par la Fondation BNP Paribas. Certaines données utilisées pour ces études sont disponibles auprès d'ICOS et les données issues de cette étude sont aussi distribuées via le site de ICOS.

Voir le lien vers les publications
Données et figures :
- http://www.globalcarbonproject.org/methanebudget
- http://www.globalcarbonatlas.org
- https://www.icos-cp.eu/GCP-CH4/2019

À propos du Global Carbon Project – www.globalcarbonproject.org
Le Global Carbon Project est un projet de Future Earth, et a pour objectif d’encourager la coopération internationale dans la recherche sur le cycle du carbone. Il produit notamment un rapport annuel comprenant les chiffres des échanges de carbone qui résulte de l’activité humaine, ainsi que leur distribution dans l’environnement, et un rapport régulier (tous les 2-3 ans) du bilan des sources et puits du méthane.

À propos du Global Carbon Atlas – www.globalcarbonatlas.org
Conçu pour visualiser les données fondamentales du cycle du carbone perturbé par les activités humaines, ce site permet une visualisation interactive et donne accès aux données sur les émissions de CO2 fossile et le bilan global du CO2 qui sont publiées et mises à jour chaque année pour par le Global Carbon Project. Le Global Carbon Atlas est disponible en cinq langues (anglais, français, espagnol, chinois et russe). Il fournit aussi des infographies sur le bilan du méthane dont un graphique interactif montrant la répartition régional et sectoriel des émissions de méthane dans le monde. Anna Peregon, Patrick Brockmann et P. Peylin du LSCE ont contribué au développement du site en 2019.

À propos de ICOS – www.icos-cp.eu
Certaines données utilisées pour ces études sont disponibles auprès d'ICOS. Avec la certification de ses stations de mesure de gaz à effet de serre, l’infrastructure de recherche européenne ICOS, Integrated Carbon Observation System, fournit des flux de données normalisées. Les données ICOS visent à mieux caractériser et quantifier les émissions et les puits de carbone au niveau européen dans la basse atmosphère et au sein des écosystèmes, une information essentielle pour prévoir et atténuer le changement climatique. Sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, le consortium ICOS France comprend notamment le CEA, le CNRS, l’ANDRA l’INRA et l’UVSQ, et le LSCE en est un acteur majeur.

À propos du LSCE – www.lsce.ipsl.fr
Le Laboratoire des sciences du climat et l’environnement (LSCE), implanté sur le centre CEA-Paris-Saclay, mène des recherches autour de trois grands thèmes : les archives du climat et les traceurs, la modélisation de leurs variabilités et de leurs interactions, les cycles biogéochimiques et transferts dans l’environnement. Le LSCE est une unité mixte de recherche CEA/CNRS/Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). Il fait partie de l’IPSL (Institut Pierre-Simon Laplace) qui fédère 9 laboratoires de recherche sur le climat et l’environnement de la région parisienne.

À propos de Climate & Biodiversity Initiative
Depuis 2010, la Fondation BNP Paribas développe Climate & Biodiversity Initiative, un programme de mécénat consacré à l’amélioration et la diffusion des connaissances sur le climat et la biodiversité, leurs interactions et en évaluer les conséquences du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité sur notre environnement. Doté d’un budget de 18 millions d’euros depuis 2010, ce programme a permis de financer 27 projets de recherche retenus par un comité scientifique international composé de personnalités reconnues dans leur domaine de recherche (Sonia Seneviratne, Philippe Gillet, Joanna Haigh, Jean-Pascal Ypersele, Thomas Stocker, Corinne Le Quéré, Franck Courchamp, et Philippe Cury).