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Artistes et collections royales et princières en France aux XVIe-XVIIIe siècles
du 16 mai 2019 au 18 mai 2019
Du 16 au 18 mai 2019
Jeudi 16 mai, auditorium de la bibliothèque universitaire de l’UVSQ (site de Guyancourt. 45 bd Vauban, 78280 Guyancourt)
Vendredi 17 mai, auditorium du château de Versailles
Samedi 18 mai, auditorium de l’université Inter-Âges de Versailles (6 impasse des Gendarmes 78000 Versailles)
Vendredi 17 mai, auditorium du château de Versailles
Samedi 18 mai, auditorium de l’université Inter-Âges de Versailles (6 impasse des Gendarmes 78000 Versailles)
Ce colloque international est organisé par le laboratoire DYPAC de l’UVSQ avec le soutien du Centre de recherche du château de Versailles, de la Fondation des Sciences du Patrimoine, de la Communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et de l’université Inter-Âges de Versailles.
Lorsque François Ier confie à Primatice, envoyé à Rome, la mission de rapporter des moulages d’antiques pour Fontainebleau, le roi de France entend bien enrichir sa collection, encore balbutiante, de sculptures témoignant de son goût pour les choses du passé, mais aussi de son rêve de voir Fontainebleau devenir « une nouvelle Rome », selon le mot complaisant de Vasari. Quand Louis XIV confie à Adam Van der Meulen la réalisation de quatre vues de résidences royales pour le décor de sa chambre à Saint-Germain-en-Laye, l’artiste n’aurait certainement pas imaginé que ses peintures seraient présentées, quelques années plus tard, avec les chefs-d’œuvre des collections versaillaises. Enfin dans les années 1770-1780 le comte d’Angiviller organise pour Louis XVI la commande de vastes compositions peintes ou sculptées sur le thème de l’histoire du royaume, afin de doter le futur museum royal de collections « patriotiques » mises à la disposition des artistes et du public par un souverain éclairé.
En proposant d’explorer le rôle polyvalent des artistes dans la construction, l’organisation et la gestion des collections royales et princières françaises (y compris celles des cardinaux-ministres), ce colloque entend développer un travail interdisciplinaire autour de l’histoire sociale et politique des collections à l’époque moderne, de la fin du XVe siècle à la fin de l’Ancien régime.
Nombreuses sont les études qui, depuis un demi-siècle, se sont intéressées aux rapports entre l’art et la société, en particulier à travers le prisme du collectionnisme, dans la lignée des études fondatrices de Francis Haskell et d’Antoine Schnapper. Les questions du statut de l’artiste et du « métier de peintre » ont connu un important renouvellement (M. Warnke, J.-M. Montias, N. Heinich) grâce à des travaux incluant le rôle des institutions académiques, l’influence du contexte politique et la question fondamentale de la transformation des publics. Le goût des amateurs et collectionneurs (Ch. Guichard), la pratique de la commande, du patronage, du mécénat, le rôle des marchands et des divers intermédiaires dans la mise en place du marché de l’art (G. Glorieux), la naissance des musées (D. Poulot) à partir des collections royales ou particulières sont autant de thématiques qui, elles aussi, ont bénéficié de l’attention de spécialistes de sciences humaines et sociales. Dans l’histoire de la production des œuvres collectionnées, l’amont (mécénat, contexte matériel et culturel) et l’aval (réception, sociologie des collectionneurs, des regards, des objets) sont des champs qui ont déjà bénéficié d’un défrichement. Mais force est de constater le très faible nombre d’études (au-delà de rares monographies) qui s’interrogent sur le rôle qu’ont pu jouer les artistes dans la construction ou la transformation des collections royales et princières françaises à l’époque moderne.
L’histoire et la sociologie récentes des objets et des acteurs du monde de l’art nous invitent à explorer la position de l’artiste employé par les souverains et les princes dans la construction des collections – d’abord royales ou privées, plus tard dans l’optique du projet de museum royal des arts – et les conséquences de ces commandes sur le statut de l’artiste, qu’il soit artiste de cour ou extérieur à celle-ci, avant le temps des académies, durant l’âge d’or de celles-ci et au siècle des Lumières. L’histoire de l’art, dans la tradition vasarienne puis grâce au renouveau français impulsé par André Chastel, la sociologie de l’art ensuite qui fait la part belle aux études sur le statut de l’artiste, les historiens ensuite, dans la lignée de l’étude fondatrice de Martin Warnke se sont emparés du personnage de l’artiste, de son affirmation, dont la Renaissance est l’acteur et le témoin jusqu’au siècle des Lumières qui voit le bouleversement de la condition artistique grâce, notamment, à l’émergence des publics. En peinture, en sculpture, en orfèvrerie, tapisserie ou numismatique, dans le domaine de l’architecture où les artistes sont invités à concevoir ou rénover les espaces accueillant les collections, la plupart des domaines artistiques sont concernés par cette création ou cette recréation : il ne faut en effet pas oublier la réalisation de copies et de moulages, d’antiques ou de modernes, visant généralement à combler les manques des collections royales, sans oublier le phénomène de la restauration. Le rôle des artistes dans l’élaboration d’un discours académique et esthétique encadrant, dans une certaine mesure, la commande royale et le processus de constitution des collections pourra également être abordé (Th. Kirchner, 2008 ; Ch. Michel, 2012).
La condition d’artiste courtisan est associée, dès le XVe siècle en Italie, puis au siècle suivant en France, à des fonctions spécifiques qui se concrétisent par l’attribution de charges et de titres officiels, de plus en plus permanents, certains préfigurant l’institutionnalisation du monde des arts : « Peintre de la Sérénissime » à Venise et « Commissaire aux Antiquités » à Rome, « Surintendant des Bâtiments » en France, jusqu’à la répartition des attributions entre fonctionnaires et artistes dans la France du XVIIe siècle. Mais ces derniers occupent toujours une place centrale dans le système des arts de la monarchie absolue (on pense au cas Charles Le Brun, récemment réévalué par Bénédicte Gady et Wolf Burchard, ou à Jules Hardouin-Mansart) et gardent la main, au XVIIIe siècle, sur l’Académie de France à Rome et les collections de tableaux et de dessins du roi. Ajoutons à ces fonctions officielles les interventions des artistes dans les acquisitions d’œuvres à l’international – depuis les voyages du Primatice à Rome pour François Ier, jusqu’au rôle de Poussin pour Richelieu, ou les missions de prospection et les reproductions confiées aux académiciens romains par Colbert – et la réalisation de copies, ainsi que, naturellement, le mécénat et les commandes royales passées aux artistes français ou étrangers.
Il s’agit également d’ouvrir une réflexion sur les artistes « intermédiaires » (Pomian et Chastel, 1987) et plus largement les réseaux au service des princes collectionneurs. À côté des diplomates, des cardinaux, des marchands, des amateurs et antiquaires, multiples acteurs des sociétés anciennes, dont la proximité avec le pouvoir souverain est à géographie variable et qui jouissent chacun d’un réseau consubstantiel à leurs fonctions, les artistes sont amenés à participer à l’enrichissement, l’organisation voire la vente des collections artistiques des souverains. Les souverains du début de l’époque moderne s’en remettent largement aux artistes, aux diplomates et aux cardinaux – en un mot : ceux qui circulent dans l’Europe des premières fouilles archéologiques et des collections italiennes – et écoutent les recommandations des humanistes et antiquaires qui, depuis le XVe siècle, compilent eux-mêmes des témoignages de l’Antiquité gréco-romaine. À l’instar de Rubens, les intermédiaires culturels à qui Marie de Médicis ou les rois d’Espagne font appel reflètent la société politique de leur époque. Si au XVIIe siècle la multiplication des ventes et des dispersions de collections a entraîné la spécialisation des intermédiaires (on songe au marchand flamand Daniel Nys qui orchestra la vente des Gonzague entre 1626 et 1628, ou à l’agent anglais Balthazar Gerbier au service des ducs de Buckingham puis de Charles Ier), au siècle des Lumières le panorama des intermédiaires se modifie sensiblement en se diversifiant, comme en témoigne l’importance prise par l’histoire du connoisseurship ces dernières années (Guichard, 2008, Glorieux, 2002). Les écrivains intéressés par l’art, à l’instar de Diderot pour Catherine II, ou les premiers professionnels de l’histoire de l’art comme Winckelmann, occupent une place de choix pour le conseil des souverains. Dans l’histoire des collections royales, quelle est la place alors laissée aux artistes dans ou en marge d’un système académique de plus en plus décrié ?
Si la liste des artistes qui se mettent au service des souverains, ainsi que les œuvres qu’ils ont réalisées sont bien connues, si le contenu des collections royales françaises a été très largement répertorié grâce à des travaux encore indépassés (A. Schnapper, J. Cox-Rearick), en revanche la place de l’artiste dans les processus complexes qui régissent l’élaboration et l’organisation des collections royales mérite un questionnement interdisciplinaire réunissant historiens, historiens de l’art, sociologues de l’art, conservateurs. À l’occasion de ce colloque, de multiples questions seront posées afin de contribuer à une histoire socio-culturelle, matérielle voire politique du collectionnisme qui s’intéresserait aussi aux producteurs (d’originaux ou de copies), aux artistes intermédiaires, aux « gardes » des cabinets de peinture, d’antiques ou d’objets précieux, ancêtres des professionnels de la conservation.
En proposant d’explorer le rôle polyvalent des artistes dans la construction, l’organisation et la gestion des collections royales et princières françaises (y compris celles des cardinaux-ministres), ce colloque entend développer un travail interdisciplinaire autour de l’histoire sociale et politique des collections à l’époque moderne, de la fin du XVe siècle à la fin de l’Ancien régime.
Nombreuses sont les études qui, depuis un demi-siècle, se sont intéressées aux rapports entre l’art et la société, en particulier à travers le prisme du collectionnisme, dans la lignée des études fondatrices de Francis Haskell et d’Antoine Schnapper. Les questions du statut de l’artiste et du « métier de peintre » ont connu un important renouvellement (M. Warnke, J.-M. Montias, N. Heinich) grâce à des travaux incluant le rôle des institutions académiques, l’influence du contexte politique et la question fondamentale de la transformation des publics. Le goût des amateurs et collectionneurs (Ch. Guichard), la pratique de la commande, du patronage, du mécénat, le rôle des marchands et des divers intermédiaires dans la mise en place du marché de l’art (G. Glorieux), la naissance des musées (D. Poulot) à partir des collections royales ou particulières sont autant de thématiques qui, elles aussi, ont bénéficié de l’attention de spécialistes de sciences humaines et sociales. Dans l’histoire de la production des œuvres collectionnées, l’amont (mécénat, contexte matériel et culturel) et l’aval (réception, sociologie des collectionneurs, des regards, des objets) sont des champs qui ont déjà bénéficié d’un défrichement. Mais force est de constater le très faible nombre d’études (au-delà de rares monographies) qui s’interrogent sur le rôle qu’ont pu jouer les artistes dans la construction ou la transformation des collections royales et princières françaises à l’époque moderne.
L’histoire et la sociologie récentes des objets et des acteurs du monde de l’art nous invitent à explorer la position de l’artiste employé par les souverains et les princes dans la construction des collections – d’abord royales ou privées, plus tard dans l’optique du projet de museum royal des arts – et les conséquences de ces commandes sur le statut de l’artiste, qu’il soit artiste de cour ou extérieur à celle-ci, avant le temps des académies, durant l’âge d’or de celles-ci et au siècle des Lumières. L’histoire de l’art, dans la tradition vasarienne puis grâce au renouveau français impulsé par André Chastel, la sociologie de l’art ensuite qui fait la part belle aux études sur le statut de l’artiste, les historiens ensuite, dans la lignée de l’étude fondatrice de Martin Warnke se sont emparés du personnage de l’artiste, de son affirmation, dont la Renaissance est l’acteur et le témoin jusqu’au siècle des Lumières qui voit le bouleversement de la condition artistique grâce, notamment, à l’émergence des publics. En peinture, en sculpture, en orfèvrerie, tapisserie ou numismatique, dans le domaine de l’architecture où les artistes sont invités à concevoir ou rénover les espaces accueillant les collections, la plupart des domaines artistiques sont concernés par cette création ou cette recréation : il ne faut en effet pas oublier la réalisation de copies et de moulages, d’antiques ou de modernes, visant généralement à combler les manques des collections royales, sans oublier le phénomène de la restauration. Le rôle des artistes dans l’élaboration d’un discours académique et esthétique encadrant, dans une certaine mesure, la commande royale et le processus de constitution des collections pourra également être abordé (Th. Kirchner, 2008 ; Ch. Michel, 2012).
La condition d’artiste courtisan est associée, dès le XVe siècle en Italie, puis au siècle suivant en France, à des fonctions spécifiques qui se concrétisent par l’attribution de charges et de titres officiels, de plus en plus permanents, certains préfigurant l’institutionnalisation du monde des arts : « Peintre de la Sérénissime » à Venise et « Commissaire aux Antiquités » à Rome, « Surintendant des Bâtiments » en France, jusqu’à la répartition des attributions entre fonctionnaires et artistes dans la France du XVIIe siècle. Mais ces derniers occupent toujours une place centrale dans le système des arts de la monarchie absolue (on pense au cas Charles Le Brun, récemment réévalué par Bénédicte Gady et Wolf Burchard, ou à Jules Hardouin-Mansart) et gardent la main, au XVIIIe siècle, sur l’Académie de France à Rome et les collections de tableaux et de dessins du roi. Ajoutons à ces fonctions officielles les interventions des artistes dans les acquisitions d’œuvres à l’international – depuis les voyages du Primatice à Rome pour François Ier, jusqu’au rôle de Poussin pour Richelieu, ou les missions de prospection et les reproductions confiées aux académiciens romains par Colbert – et la réalisation de copies, ainsi que, naturellement, le mécénat et les commandes royales passées aux artistes français ou étrangers.
Il s’agit également d’ouvrir une réflexion sur les artistes « intermédiaires » (Pomian et Chastel, 1987) et plus largement les réseaux au service des princes collectionneurs. À côté des diplomates, des cardinaux, des marchands, des amateurs et antiquaires, multiples acteurs des sociétés anciennes, dont la proximité avec le pouvoir souverain est à géographie variable et qui jouissent chacun d’un réseau consubstantiel à leurs fonctions, les artistes sont amenés à participer à l’enrichissement, l’organisation voire la vente des collections artistiques des souverains. Les souverains du début de l’époque moderne s’en remettent largement aux artistes, aux diplomates et aux cardinaux – en un mot : ceux qui circulent dans l’Europe des premières fouilles archéologiques et des collections italiennes – et écoutent les recommandations des humanistes et antiquaires qui, depuis le XVe siècle, compilent eux-mêmes des témoignages de l’Antiquité gréco-romaine. À l’instar de Rubens, les intermédiaires culturels à qui Marie de Médicis ou les rois d’Espagne font appel reflètent la société politique de leur époque. Si au XVIIe siècle la multiplication des ventes et des dispersions de collections a entraîné la spécialisation des intermédiaires (on songe au marchand flamand Daniel Nys qui orchestra la vente des Gonzague entre 1626 et 1628, ou à l’agent anglais Balthazar Gerbier au service des ducs de Buckingham puis de Charles Ier), au siècle des Lumières le panorama des intermédiaires se modifie sensiblement en se diversifiant, comme en témoigne l’importance prise par l’histoire du connoisseurship ces dernières années (Guichard, 2008, Glorieux, 2002). Les écrivains intéressés par l’art, à l’instar de Diderot pour Catherine II, ou les premiers professionnels de l’histoire de l’art comme Winckelmann, occupent une place de choix pour le conseil des souverains. Dans l’histoire des collections royales, quelle est la place alors laissée aux artistes dans ou en marge d’un système académique de plus en plus décrié ?
Si la liste des artistes qui se mettent au service des souverains, ainsi que les œuvres qu’ils ont réalisées sont bien connues, si le contenu des collections royales françaises a été très largement répertorié grâce à des travaux encore indépassés (A. Schnapper, J. Cox-Rearick), en revanche la place de l’artiste dans les processus complexes qui régissent l’élaboration et l’organisation des collections royales mérite un questionnement interdisciplinaire réunissant historiens, historiens de l’art, sociologues de l’art, conservateurs. À l’occasion de ce colloque, de multiples questions seront posées afin de contribuer à une histoire socio-culturelle, matérielle voire politique du collectionnisme qui s’intéresserait aussi aux producteurs (d’originaux ou de copies), aux artistes intermédiaires, aux « gardes » des cabinets de peinture, d’antiques ou d’objets précieux, ancêtres des professionnels de la conservation.
Contacts
Delphine Carrangeot, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines/Paris-Saclay
Mathieu da Vinha, directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles
contact.dypac@uvsq.fr
Delphine Carrangeot, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines/Paris-Saclay
Mathieu da Vinha, directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles
contact.dypac@uvsq.fr