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Des prescriptions médicamenteuses élevées chez les enfants

Les résultats d'une étude autour des prescriptions médicamenteuses pédiatriques en France et de leur évolution entre 2010 et 2019 font l’objet d’une publication dans la revue The Lancet Regional Health Europe.

La France figure parmi les pays les plus consommateurs de médicaments en Europe. En l’absence de données actualisées depuis dix ans sur les prescriptions médicamenteuses pédiatriques, des chercheurs de l’Inserm et enseignants-chercheurs d’Université de Paris au Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques (CRESS), avec des chercheurs de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / Université Paris-Saclay et de l’AP-HP, du groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare, ont quantifié les prescriptions médicamenteuses pédiatriques en France et étudié leur évolution entre 2010 et 2019. 
 
La population pédiatrique, et notamment les enfants les plus jeunes, sont particulièrement vulnérables aux effets indésirables à court et à long terme des médicaments en raison de leur immaturité. De plus, le profil de sécurité de nombreux médicaments utilisés en pédiatrie n’est que partiellement connu. Ces éléments devraient inciter à des prescriptions raisonnées dans la population pédiatrique.
 
La première étude nationale française portant sur les prescriptions médicamenteuses en pédiatrie ambulatoire, réalisée à partir des données de l’Echantillon Généraliste des Bénéficiaires de l’assurance maladie (EGB) en 2011, montrait des résultats préoccupants avec une fréquence de prescriptions la plus élevée au monde. Cependant, depuis 2011, de nouvelles recommandations ont été émises sur le bon usage de certains médicaments et des politiques de déremboursement ont été mises en place, ce qui devait conduire à modifier ces prescriptions.
La nouvelle étude, réalisée par des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Inserm, d’Université de Paris, de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / Université Paris-Saclay, de l’AP-HP et du GIS Epi-Phare, avait pour objectif de décrire les fréquences des prescriptions médicamenteuses en pédiatrie ambulatoire en 2018-2019 en France et de les comparer à celles de 2010-2011, au niveau national, grâce aux données fournies par le Système national de données de santé (SNDS) .
 
L’analyse a été réalisée sur les dispensations remboursées de médicaments prescrits en ambulatoire, c’est-à-dire hors médicaments prescrits durant une hospitalisation, par un médecin, une sage-femme ou un dentiste, et destinées l’ensemble des enfants de moins de 18 ans vivant en France. Afin de tenir compte de l’influence des épidémies infectieuses sur les prescriptions médicamenteuses ambulatoires, une moyenne des fréquences de prescriptions médicamenteuses annuelle a été calculée sur deux ans pour les deux périodes étudiées. Sur la période 2018-2019, plus de 230 millions de dispensations ont été analysées.
Les enfants de moins de 6 ans sont la catégorie des enfants la plus exposée aux prescriptions médicamenteuses
L’étude révèle que sur la période récente (2018-2019), en moyenne, 86 enfants de moins de 18 ans sur 100 ont été exposés à au moins une prescription médicamenteuse au cours d’une année, ce qui correspond à une augmentation de 4% par rapport à 2010-2011. Les enfants de moins de six ans représentaient la catégorie des enfants la plus exposée aux médicaments avec plus de 97 enfants sur 100 concernés sur une année.
Les classes thérapeutiques les plus prescrites sur la période 2018-2019 étaient les analgésiques (64% ), les antibiotiques (40%), les corticoïdes par voie nasale (33%), la vitamine D (30%), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (24%), les antihistaminiques (25%) et les corticoïdes par voie orale (21%).
« Après la publication des données de 2011, nous nous attendions à une évolution importante pour certaines classes thérapeutiques compte tenu des régulations mises en place ou des recommandations émises depuis 2011. Une diminution de 12% de la fréquence de prescriptions d’antibiotiques sur les dix dernières années a été relevée dans notre étude, mais cela reste insuffisant car plus d’un enfant de moins de 6 ans sur deux a reçu une prescription d’antibiotique dans l’année », explique le Dr Marion Taine, co-auteure de l’étude.
Par ailleurs, l’étude révèle qu’un enfant de moins de 6 ans sur trois a reçu une prescription de corticoïdes oraux au cours de l’année 2018-2019. Un niveau qui reste stable depuis 2010-2011, et ce malgré les effets indésirables connus de cette classe thérapeutique.
Enfin, 2% des nourrissons de moins de 6 semaines ont reçu une prescription d’inhibiteurs de la pompe à proton au cours de l’année 2018-2018, et ce, « bien que la fréquence des affections pour lesquelles ce traitement est recommandé est bien inférieur à cet âge », explique le Dr Marion Taine.
 
La France, un des pays les plus prescripteurs de médicaments en pédiatrie ambulatoire
La France est un des pays les plus prescripteurs de médicaments en pédiatrie ambulatoire, mais les comparaisons internationales nécessitent d’être conduites avec prudence car les systèmes de santé et les politiques de remboursement des médicaments (notamment ceux accessibles en vente libre) diffèrent entre les pays.
Les comparaisons effectuées entre quelques pays à économie avancée révèlent par exemple que les fréquences de prescriptions de corticoïdes par voie orale pour les enfants français étaient 5 et 20 fois plus élevées que celles observées pour des enfants américains et norvégiens dans d’autres études récentes. Pour les antibiotiques, la fréquence de prescriptions aux enfants français était 5 fois supérieure à celle observée aux Pays-Bas. La prescription inadaptée d’antibiotiques augmente les résistances bactériennes. Les corticoïdes par voie générale sont quant à eux responsables d'effets indésirables bien établis.
Pour les chercheurs, ces niveaux élevés de prescriptions pourraient s’expliquer notamment par l’image positive qui est associée aux médicaments en France, tant dans la population que parmi les prescripteurs. Dans les autres pays à économie avancée, il existerait un rapport plus conscient de la balance bénéfice-risque des médicaments.
« Ces résultats préoccupants nécessitent des analyses détaillées pour mieux cibler les futures campagnes de formation pour optimiser l’usage des médicaments en pédiatrie. Une meilleure information de la population et des prescripteurs vis à vis de l’usage des médicaments chez l’enfant est indispensable.», conclut le Dr Marion Taine.