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La face cachée des troubles des conduites alimentaires

le 9 février 2023

Publié dans la Revue UVSQ n°10

Lors de la journée mondiale des troubles des conduites alimentaires du 2 juin 2022, les professionnels de santé ont alerté sur l’augmentation de la demande de soins pour souffrance psychique, troubles des conduites alimentaires, anxiété.

Patients et familles ont souligné la difficulté d’accéder à une prise en charge. En cause, la période de crise sanitaire qui a déclenché, renforcé ou révélé, notamment chez les étudiants et étudiantes, des troubles déjà existants et ralenti l’accès aux soins.
Anorexie mentale, boulimie et hyperphagie boulimique, voici les maladies de longue durée connues sous le nom de troubles des conduites alimentaires (TCA). Concernant aussi bien les hommes que les femmes, et pas seulement les mannequins comme l’imaginaire collectif le laisse supposer, les TCA recouvrent des dysfonctionnements dans les comportements. Dans le cas de l’anorexie, les personnes se retrouvent dans une insuffisance d’apports par rapport à leurs besoins (qualitatifs et quantitatifs), entrainant une perte de poids importante, voire mortelle. Dans le cas de la boulimie, elles se retrouvent à manger de façon compulsive avec une recherche de contrôle sur le poids induisant des comportements compensatoires. L’hyperphagie boulimique, sans recherche de contrôle sur le poids induisant des comportements compensatoires. L’hyperphagie boulimique, sans recherche de contrôle sur le poids, entraîne, elle, un surpoids.
« Ces comportements ne sont souvent que la partie émergée d’un problème de santé et masquent fréquemment d’autres manifestations » explique Nathalie Godart, psychiatre pour adolescents et jeunes adultes, exerçant à la Fondation Santé des étudiants de France et chercheuse UVSQ rattachée au Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (CESP-UVSQ/Inserm).

« Si ces troubles des conduites alimentaires sont des symptômes en lien avec un mal-être, parfois, ce sont eux qui créent des troubles psychiques, tels que l’anxiété ou la dépression mais dans d’autres situations à l’inverse, ils en sont la conséquence ».

Depuis le printemps 2020, les périodes de confinement, puis de post-confinement ont généré beaucoup de stress dans la population générale, et en particulier chez les étudiants. En effet, cette situation inédite a eu un impact sur la santé des jeunes. Les cours n’étant plus dispensés en présentiel, certains ont réintégré le cocon familial alors que d’autres ont été complètement isolés et ont dû affronter la solitude et des problèmes de précarité. Les premiers l’ont vécu certes différemment, mais n’ont pas été forcément mieux lotis car ils ont subi la manière dont la crise sanitaire était appréhendée par leur famille dans des contextes parfois difficiles.
Certains, plus vulnérables de par leur personnalité, les événements de vie, l’environnement social ou familial parfois, ont cumulé des facteurs qui ont pu les faire basculer vers les TCA.

Pour venir en aide à quelqu’un en détresse, il faut avant tout pouvoir le repérer. Ce ne sont pas nécessairement les TCA qui sont les symptômes les plus visibles. La plupart du temps, il s’agit de s’attacher davantage à des signes de tristesse et d’anxiété, ou plus concrètement à la perte de contact entre amis ou à un décrochage scolaire, par exemple, qui peuvent interpeller et rendre palpable le mal-être. En outre, d’autres indices comme un changement dans le comportement alimentaire, une perte ou une prise de poids remarquable, des placards qui se vident rapidement, peuvent mettre sur la piste. Aborder le sujet sur un mode de reproche avec la personne concernée n’est pas la meilleure solution et risque même d’être contre-productif. Il faut choisir un moment calme en dehors des repas, parler d’inquiétude pour la santé et non directement d’alimentation, et l’orienter vers des contacts appropriés afin d’entamer une démarche de demande d’aide et de soutien auprès des structures dédiées, à commencer par son médecin traitant ou le Service de Santé Universitaire.
Une prise en charge s’avère nécessaire comme pour toute autre maladie. Le traitement correspond aux manifestations symptomatiques et s’appuie sur les quatre axes suivants : suivi somatique, suivi psychologique (par un psychiatre ou psychologue), accompagnement nutritionnel par un diététicien, accompagnement social ou scolaire. Coordonné par un médecin, le parcours de soin comprend ainsi tous les aspects complémentaires pour traiter le patient dans sa globalité. Psychothérapies individuelles et thérapies familiales sont très souvent proposées.
Selon la situation dans laquelle la personne se trouve quand elle accède aux soins, cela peut aller de la consultation à l’hospitalisation dans les cas les plus graves.
La difficulté actuelle réside dans l’accès à l’offre de soins spécialisés car, aux demandes des patients qui bénéficiaient déjà d’un suivi alors que les services avaient une activité limitée à cause de la crise sanitaire, s'est ajouté un nombre accru de demandes.

« En région parisienne, l’offre de soins est assez large et la situation tend à se régulariser, sou- ligne Nathalie Godart. De plus, il ne faut pas hésiter à chercher du soutien auprès des professionnels de santé et associations joignables grâce à la Fédération française Anorexie Boulimie et le Réseau TCA Francilien ».

La recherche médicale explore des pistes innovantes de prises en charge telles que des thérapies par remédiation cognitive en cas d’anorexie mentale, des thérapies cognitivo- comportementales incluant de la méditation de pleine conscience en cas de boulimie, des approches par stimulation cérébrale, ou par des médicaments comme des anti-dépresseurs.
Informations complémentaires
En savoir +
*Fédération française Anorexie Boulimie.
Ligne Anorexie-boulimie, Info écoute : 0810.037.037. Réseau TCA Francilien : https://www.reseautca-idf.org/
* UFR : Unité de Formation et de Recherche (composante universitaire, autrefois appelée faculté)
Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (CESP-UVSQ/Inserm)
Crédits photo : Shutterstock/VH-studio