Aller au contenu

| | |

Vous êtes ici : UVSQ RechercheActualités de la recherche | Innovation

Le Droit de l’animal, une question sensible

le 15 juillet 2025

Publié dans la Revue UVSQ n°14

Animal de compagnie, animal de rente, animal sauvage, animal dans l’art, animal de cirque… Autant de catégories qui désignent cet être vivant doué de sensibilité, mais qui reste un quasi-bien.

Claire Bouglé–Le Roux est Maîtresse de conférences en histoire du Droit et directrice du laboratoire DANTE. Nadège Reboul-Maupin est Professeure de Droit privé et responsable du DU Droit animalier des affaires. De leur collaboration est né l’ouvrage Animal & Droit sur la prise en compte de l’animal au fil du temps.

Dix ans ont passé depuis l’ajout de l’article 515-14 dans le Code civil, modifiant le statut de l’animal désormais considéré comme un être vivant doué de sensibilité. « Ce ne sont plus des biens meubles, mais ils restent soumis au régime des biens puisqu’ils font l’objet d’appropriation », précise Nadège Reboul-Maupin. Toutefois, s’il était déjà historiquement du devoir de son propriétaire de le placer dans des conditions compatibles avec les besoins biologiques de son espèce, la nouveauté réside en la nécessité de concilier la protection de l’animal avec les réalités économiques.

Mais que désigne-t-on précisément par le terme animal ?
L’animal recouvre plusieurs catégories. Pour comprendre la catégorisation, citons la théorie des trois lapins. L’animal sauvage, tout d’abord, qui va vivre librement dans la nature, loin de l’influence de l’homme. Vivant dans la forêt, il fait partie d’un écosystème naturel où il est protégé par la loi, le Droit de l’environnement plus précisément, qui le protège de la capture et du commerce illégal. Ensuite, l’animal de rente ou d’élevage qui réside dans l’exploitation agricole. Élevé par l’homme pour sa production de viande ou de fourrure, son bien-être est également encadré par des règlementations qui limitent sa souffrance. Enfin, le lapin de compagnie qui va vivre aux côtés de l’homme va bénéficier d’une protection plus stricte contre la maltraitance animale et l’abandon, notamment.
La protection est donc différente selon la catégorie dans laquelle est classé l'animal.

« Chaque catégorie d’animaux va recevoir une protection qui lui est adaptée, même si vraisemblablement l’animal de compagnie est celui qui reçoit par la loi du 30 novembre 2021, la plus grande protection », explique Nadège Reboul-Maupin

L’exemple de l’affaire Rillette
Les juristes sont régulièrement confrontés à des questions de frontière entre la personne et la chose, l’homme et l’animal, mais aussi entre animaux et catégories animales différentes. Rillette en est l'exemple même. Recueillie et adoptée de fait en 2023, alors qu’elle n’était qu’un marcassin, par une éleveuse équine à Chaource dans l’Aube, la prénommée Rillette devenue une laie d’une centaine de kilos aurait dû être euthanasiée. En effet, la loi n’autorisant pas sa détention, la Préfecture s’y opposait. Sa propriétaire a alors dû prouver combien son comportement s’apparentait à celui d’un animal domestique et qu’elle lui avait octroyé des conditions de vie adaptées.
Après plusieurs mois de bataille judiciaire, la situation a été régularisée en 2025 et Rillette a pu rester chez sa propriétaire, à condition d’appliquer des règles strictes. « C’est une question qui nourrit les réflexions des juristes », explique Claire Blouglé-Le Roux. « On trouve dans les années 1850 un arrêt de la Cour de Cassation. Un cochon peut être considéré comme un animal sauvage ou comme un animal domestique. Il y a une présomption de domesticité par rapport au cochon. Les catégories doivent donc pouvoir avoir des zones de croisement », conclut-elle.