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L’œuvre de Valeria Luiselli à la croisée de la recherche et des arts : « Many voices in the conversation that the book sustains with the past »
Journée d'études organisée par Gabrielle Adjerad (UVSQ) et Capucine Rullière (ENS-PSL)
le 13 octobre 2025
13 octobre 2025
ENS-PSL (Paris)
Autrice de trois romans, de plusieurs essais et d’autres projets artistiques collaboratifs, Valeria Luiselli est une écrivaine mexicaine-américaine née en 1983, diplômée d'un doctorat de littérature comparée à Columbia University, lauréate de nombreux prix, dont la prestigieuse bourse MacArthur, et enseignante à Harvard. Elle a publié des œuvres en espagnol avant de se tourner vers l'anglais pour aborder la crise migratoire du point de vue des enfants originaires d'Amérique Latine et demandeur·euse·s d'asile dans l'essai Tell me How it Ends, livre en quarante questions inspiré de son expérience de traductrice au tribunal qui a nourri le roman Lost Children Archive écrit en parallèle. La publication récente d’un livret tiré de sa dernière performance artistique, Echoes from the Borderlands, témoigne de son travail d’improvisation musicale, de récitation poétique, d’interviews dans un projet collaboratif réalisé avec les artistes sonores Leo Heiblum et Ricardo Giraldo.
Son œuvre emprunte autant aux genres du conte pour enfants qu’à l’autofiction, au roman, à la poésie, à l’essai ou même au questionnaire judiciaire. L’autrice se meut avec une aisance remarquable à travers les formes et les identités narratives, reprenant parfois une même expérience vécue pour la présenter selon des modes fictionnels et non-fictionnels. L’architecture « maximaliste et encyclopédique » (Montero Román 2021) de Lost Children Archive constitue un geste original de réappropriation du canon littéraire, et notamment du « grand roman ambitieux » (« big, ambitious novels », Wood 2000) depuis une perspective minoritaire.
Chez Luiselli s’inventent aussi des formes concrètes ; le livre en particulier, pris dans sa dimension d’objet, ouvre la possibilité d’expérimentations intermédiales. Luiselli, qui a réalisé une carte des balançoires de Harlem, affirme un principe visuel en disant de ses livres qu’ils « fonctionnent selon une cartographie » (Sampson 2017), incluant souvent divers diagrammes et schémas. Dans Lost Children Archive, le livre contient les boîtes que les personnages emportent avec eux dans leur road-trip : des photographies notamment, mais aussi d’autres livres—fictifs ou réels, dans une intertextualité matérialisée par des encadrés, le projet d’une œuvre exposant sa propre genèse.
La forme collective intéresse aussi l’autrice depuis longtemps, puisqu’elle avait déjà travaillé en collaboration directe avec les ouvriers de l’usine Jumex au Mexique pour l’écriture de The Story of my Teeth (2013). Chaque chapitre du livre était en effet soumis pour lecture et discussion aux ouvriers de la Jumex, et leurs commentaires et récits étaient ensuite incorporés dans le texte. Cette volonté de démocratisation et d’interaction informe toute l’œuvre de Luiselli, notamment dans le rapport à la langue. Écrivaine bilingue, Luiselli travaille en effet activement à la constitution d’un lectorat multilingue, en collaboration avec sa traductrice, Christina MacSweeney. À travers un travail créatif de traduction linguistique, l’œuvre de Luiselli se trouve ainsi dans un lieu indéterminé, celui du résidu émotionnel produit par l’arbitraire de la frontière dont parle Gloria Anzaldúa lorsqu’elle évoque les « terres frontalières » (Anzaldúa, 1987) et le féminisme chicana.
L’œuvre de Luiselli permet aussi de réfléchir aux perspectives sociales de l’acte d’écriture et à la position sociologique de l’écrivain·e. Elle occupe une place intéressante dans le champ socio-culturel américain car son travail d’écriture est étroitement lié à sa carrière académique et son activité d’enseignement de la littérature créative. Echoes from the Borderlands est ainsi le résultat d’un projet de recherche-création mené au laboratoire Art Lab de Harvard. Par sa pratique intertextuelle riche et intermédiale, Luiselli cherche et trouve un équilibre entre héritage patrimonial et exigence d’innovation. Son œuvre mêle notamment références à la littérature mexicaine et emprunts aux classiques européens. Elle transforme la citation par sa recontextualisation, ce qui lui permet de se réapproprier autant que de subvertir le canon littéraire et ses institutions. Son travail engagé questionne aussi l’efficacité de la littérature et de l’enseignement dans un moment de crises politiques.
Ce travail sur la forme des œuvres et leur publicisation trouve à la fois son origine et sa visée finale dans le désir de faire passer des voix minoritaires entre les frontières du Mexique et des États-Unis. Ses travaux génèrent une épistémologie patrimoniale dans la confrontation et l’imbrication de différents supports artistiques. La forme documentaire, chez Luiselli, et notamment du documentaire sonore, est ainsi essentielle à la création d’une histoire orale qui rend compte de lieux frontaliers, de vies diasporiques, de mémoires fragmentaires. De nouveaux protocoles reconstituent un passé qui ne subsiste parfois plus que sous la forme d’échos et de voix divergentes, une archive, celle du titre du roman de 2019, bien loin d’un savoir univoque et autoritaire.
Cette journée d’étude a pour objectif de traiter de l’ensemble des écrits et entreprises esthétiques de Valeria Luiselli. Nous accueillons les travaux de chercheur·euses familier·e·s de son œuvre et des réflexions qu’elle suscite pour la création dans une perspective interdisciplinaire. Nous souhaiterions donc solliciter le concours de chercheur·euses issu·e·s des études littéraires (tant anglophones que latino-américaines), visuelles, sonores, et inviter à des démarches de recherche-création (projets sonores, visuels, filmiques, performances…). Les interventions sur la forme documentaire prise en son sens large seront les bienvenues pour éclairer cet aspect trop peu discuté de son œuvre.
En plus des pistes évoquées pourront être envisagés, sans que cette liste ne soit exhaustive, les axes de recherche suivants en lien avec l’œuvre de Valeria Luiselli :
· Paysages américains, mémoire et histoire
· Cartographie et littérature contemporaine des Amériques
· Rapport entre littérature contemporaine et documentaire, notamment sonore
· Utilisations du document et de l’archive dans la littérature migratoire
· Contextes institutionnels, creative writing, modalités de la recherche-création aux États-Unis
· Représentations de la migration
· Genre et féminismes
· Fiction et non-fiction
· Intertextualité, traduction et enjeux de frontière dans les littératures des Amériques
· Publics, interactions avec le lectorat
· Pratiques collaboratives et auteur·ices associé·e·s (Natalie Diaz, Daniel Saldaña París…)
Merci d’adresser les propositions de communications en français ou en anglais et d’environ 300 mots ainsi qu’une courte biographie à je.valerialuiselli@gmail.com avant le 15 juin 2025.
Son œuvre emprunte autant aux genres du conte pour enfants qu’à l’autofiction, au roman, à la poésie, à l’essai ou même au questionnaire judiciaire. L’autrice se meut avec une aisance remarquable à travers les formes et les identités narratives, reprenant parfois une même expérience vécue pour la présenter selon des modes fictionnels et non-fictionnels. L’architecture « maximaliste et encyclopédique » (Montero Román 2021) de Lost Children Archive constitue un geste original de réappropriation du canon littéraire, et notamment du « grand roman ambitieux » (« big, ambitious novels », Wood 2000) depuis une perspective minoritaire.
Chez Luiselli s’inventent aussi des formes concrètes ; le livre en particulier, pris dans sa dimension d’objet, ouvre la possibilité d’expérimentations intermédiales. Luiselli, qui a réalisé une carte des balançoires de Harlem, affirme un principe visuel en disant de ses livres qu’ils « fonctionnent selon une cartographie » (Sampson 2017), incluant souvent divers diagrammes et schémas. Dans Lost Children Archive, le livre contient les boîtes que les personnages emportent avec eux dans leur road-trip : des photographies notamment, mais aussi d’autres livres—fictifs ou réels, dans une intertextualité matérialisée par des encadrés, le projet d’une œuvre exposant sa propre genèse.
La forme collective intéresse aussi l’autrice depuis longtemps, puisqu’elle avait déjà travaillé en collaboration directe avec les ouvriers de l’usine Jumex au Mexique pour l’écriture de The Story of my Teeth (2013). Chaque chapitre du livre était en effet soumis pour lecture et discussion aux ouvriers de la Jumex, et leurs commentaires et récits étaient ensuite incorporés dans le texte. Cette volonté de démocratisation et d’interaction informe toute l’œuvre de Luiselli, notamment dans le rapport à la langue. Écrivaine bilingue, Luiselli travaille en effet activement à la constitution d’un lectorat multilingue, en collaboration avec sa traductrice, Christina MacSweeney. À travers un travail créatif de traduction linguistique, l’œuvre de Luiselli se trouve ainsi dans un lieu indéterminé, celui du résidu émotionnel produit par l’arbitraire de la frontière dont parle Gloria Anzaldúa lorsqu’elle évoque les « terres frontalières » (Anzaldúa, 1987) et le féminisme chicana.
L’œuvre de Luiselli permet aussi de réfléchir aux perspectives sociales de l’acte d’écriture et à la position sociologique de l’écrivain·e. Elle occupe une place intéressante dans le champ socio-culturel américain car son travail d’écriture est étroitement lié à sa carrière académique et son activité d’enseignement de la littérature créative. Echoes from the Borderlands est ainsi le résultat d’un projet de recherche-création mené au laboratoire Art Lab de Harvard. Par sa pratique intertextuelle riche et intermédiale, Luiselli cherche et trouve un équilibre entre héritage patrimonial et exigence d’innovation. Son œuvre mêle notamment références à la littérature mexicaine et emprunts aux classiques européens. Elle transforme la citation par sa recontextualisation, ce qui lui permet de se réapproprier autant que de subvertir le canon littéraire et ses institutions. Son travail engagé questionne aussi l’efficacité de la littérature et de l’enseignement dans un moment de crises politiques.
Ce travail sur la forme des œuvres et leur publicisation trouve à la fois son origine et sa visée finale dans le désir de faire passer des voix minoritaires entre les frontières du Mexique et des États-Unis. Ses travaux génèrent une épistémologie patrimoniale dans la confrontation et l’imbrication de différents supports artistiques. La forme documentaire, chez Luiselli, et notamment du documentaire sonore, est ainsi essentielle à la création d’une histoire orale qui rend compte de lieux frontaliers, de vies diasporiques, de mémoires fragmentaires. De nouveaux protocoles reconstituent un passé qui ne subsiste parfois plus que sous la forme d’échos et de voix divergentes, une archive, celle du titre du roman de 2019, bien loin d’un savoir univoque et autoritaire.
Cette journée d’étude a pour objectif de traiter de l’ensemble des écrits et entreprises esthétiques de Valeria Luiselli. Nous accueillons les travaux de chercheur·euses familier·e·s de son œuvre et des réflexions qu’elle suscite pour la création dans une perspective interdisciplinaire. Nous souhaiterions donc solliciter le concours de chercheur·euses issu·e·s des études littéraires (tant anglophones que latino-américaines), visuelles, sonores, et inviter à des démarches de recherche-création (projets sonores, visuels, filmiques, performances…). Les interventions sur la forme documentaire prise en son sens large seront les bienvenues pour éclairer cet aspect trop peu discuté de son œuvre.
En plus des pistes évoquées pourront être envisagés, sans que cette liste ne soit exhaustive, les axes de recherche suivants en lien avec l’œuvre de Valeria Luiselli :
· Paysages américains, mémoire et histoire
· Cartographie et littérature contemporaine des Amériques
· Rapport entre littérature contemporaine et documentaire, notamment sonore
· Utilisations du document et de l’archive dans la littérature migratoire
· Contextes institutionnels, creative writing, modalités de la recherche-création aux États-Unis
· Représentations de la migration
· Genre et féminismes
· Fiction et non-fiction
· Intertextualité, traduction et enjeux de frontière dans les littératures des Amériques
· Publics, interactions avec le lectorat
· Pratiques collaboratives et auteur·ices associé·e·s (Natalie Diaz, Daniel Saldaña París…)
Merci d’adresser les propositions de communications en français ou en anglais et d’environ 300 mots ainsi qu’une courte biographie à je.valerialuiselli@gmail.com avant le 15 juin 2025.
Informations complémentaires
Contacts :
Gabrielle Adjerad (gabrielle.adjerad@uvsq.fr)
Capucine Rullière (capucine.rulliere@ens.fr)
Avec le soutien de :
L’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et du Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines (CHCSC)
SACRe (équipe d’accueil 7410) de l’Université PSL (Paris Sciences & Lettres)
La Graduate School Humanités - Sciences du Patrimoine de l’Université Paris-Saclay
Gabrielle Adjerad (gabrielle.adjerad@uvsq.fr)
Capucine Rullière (capucine.rulliere@ens.fr)
Avec le soutien de :
L’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et du Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines (CHCSC)
SACRe (équipe d’accueil 7410) de l’Université PSL (Paris Sciences & Lettres)
La Graduate School Humanités - Sciences du Patrimoine de l’Université Paris-Saclay