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Les Inuits, précurseurs de l’adaptation au changement climatique
le 30 juin 2023
Publié dans la Revue UVSQ n°11
Avec l’Arctique qui se réchauffe beaucoup plus vite que le reste du monde, les populations du Nord- Groenland font face à l’aggravation du changement climatique qui met à l’épreuve depuis longtemps leurs capacités d’adaptation.
Les Inuits sont connus pour leurs capacités collectives d’adaptation aux conditions de vie parmi les plus exigeantes qui soient sur Terre. Aujourd’hui, les petites communautés isolées au nord du Groenland font face aux conséquences du changement climatique qui fait fondre leurs immensités glacées, à la pollution qui les empoisonne dans leurs écosystèmes et aux difficultés pour mener leurs activités comme la chasse et la pêche qui sont à la base de leur mode de vie et de leur identité. De plus, les décisions politiques qui gouvernent leur vie sont désormais prises loin de chez elles, ce qui entraine non seulement la diminution de la démocratie locale, mais aussi une perte d’autonomie sociale de ces petites communautés.
La population groenlandaise, en grande majorité inuite, a remarqué depuis des décennies les changements que les climatologues expliquent, parce qu’elle les vit quotidiennement. Les glaciers et la banquise reculent, cette dernière se formant près des côtes tendanciellement de plus en plus tard et se disloquant de plus en plus tôt, et souvent même en cours de saison à cause des tempêtes de plus en plus fréquentes.
« Lors de ma dernière mission de terrain au Groenland en août-septembre 2022, j’ai été frappé par les pics de température, parmi les plus élevés jamais relevés pour le mois de septembre », confirme Jean-Michel Huctin, enseignant-chercheur anthropologue au laboratoire CEARC (Cultures Environnements Arctique Représentations Climat).
Les impacts sur le mode de vie de la population groenlandaise sont différents suivant les régions de l'île : au sud, une petite agriculture se développe qui pourrait permettre de diminuer les importations de fruits et légumes en provenance du Danemark, coûteuses et polluantes ; au nord, il s’avère plus compliqué de se déplacer en hiver et au printemps car il n'y a parfois pas assez de glace pour les traîneaux à chiens ou les motoneiges mais encore trop pour les bateaux.
Les chasseurs-pêcheurs et les petites compagnies locales de tourisme ne peuvent alors plus travailler, les familles se rencontrent beaucoup moins souvent et vivent de plus en plus difficilement leur culture inuite basée sur le partage de la nourriture de la mer. Les Groenlandais, comme les Inuits du Canada et d'Alaska, tentent de trouver des solutions locales pour s’adapter, comme ils l’ont toujours fait au cours de leur longue histoire, en étant plus flexibles sur leurs activités, en diminuant par exemple le nombre de chiens de traîneau qu’ils possèdent, en se déplaçant et en pêchant différemment.
« Avec le même esprit qui les a faits s’adapter dans le passé à la rigueur exigeante du climat polaire, les Inuits du Groenland veulent aujourd’hui trouver pour eux-mêmes leurs propres solutions, en gardant en tête que la nature doit être respectée plutôt que dominée pour éviter qu’elle ne se venge », explique l’anthropologue. Ils cherchent d’autres sources de revenu en dehors de la pêche qui représente toujours de loin la principale ressource de leur pays.
S’imposent, d’une part, le tourisme en plein essor qu’ils veulent maîtriser, et d’autre part, une extraction minière à l’impact environnemental qu’ils s’efforcent de rendre le plus faible possible. « Il s’agit pour eux de maintenir leur niveau de vie, de diminuer leur dépendance économique envers le Danemark pour construire l'indépendance politique que la population appelle majoritairement de ses voeux », poursuit Jean-Michel Huctin.
Mais ils n’oublient pas de contribuer à leur niveau à l’atténuation de l’impact global des émissions de gaz à effet de serre : le gouvernement groenlandais a ainsi interdit en 2021 l’exploration de gisements de pétrole sur son territoire pour « prendre le changement climatique au sérieux ». « Même si une potentielle exploitation semblait peu rentable dans les conditions actuelles, cela reste une décision politique forte portant le message que l’écologie doit passer avant l’économie », conclut le chercheur. Une décision à souligner alors qu’a été publiée récemment la synthèse du 6e rapport du GIEC*.
La population groenlandaise, en grande majorité inuite, a remarqué depuis des décennies les changements que les climatologues expliquent, parce qu’elle les vit quotidiennement. Les glaciers et la banquise reculent, cette dernière se formant près des côtes tendanciellement de plus en plus tard et se disloquant de plus en plus tôt, et souvent même en cours de saison à cause des tempêtes de plus en plus fréquentes.
« Lors de ma dernière mission de terrain au Groenland en août-septembre 2022, j’ai été frappé par les pics de température, parmi les plus élevés jamais relevés pour le mois de septembre », confirme Jean-Michel Huctin, enseignant-chercheur anthropologue au laboratoire CEARC (Cultures Environnements Arctique Représentations Climat).
Les impacts sur le mode de vie de la population groenlandaise sont différents suivant les régions de l'île : au sud, une petite agriculture se développe qui pourrait permettre de diminuer les importations de fruits et légumes en provenance du Danemark, coûteuses et polluantes ; au nord, il s’avère plus compliqué de se déplacer en hiver et au printemps car il n'y a parfois pas assez de glace pour les traîneaux à chiens ou les motoneiges mais encore trop pour les bateaux.
Les chasseurs-pêcheurs et les petites compagnies locales de tourisme ne peuvent alors plus travailler, les familles se rencontrent beaucoup moins souvent et vivent de plus en plus difficilement leur culture inuite basée sur le partage de la nourriture de la mer. Les Groenlandais, comme les Inuits du Canada et d'Alaska, tentent de trouver des solutions locales pour s’adapter, comme ils l’ont toujours fait au cours de leur longue histoire, en étant plus flexibles sur leurs activités, en diminuant par exemple le nombre de chiens de traîneau qu’ils possèdent, en se déplaçant et en pêchant différemment.
« Avec le même esprit qui les a faits s’adapter dans le passé à la rigueur exigeante du climat polaire, les Inuits du Groenland veulent aujourd’hui trouver pour eux-mêmes leurs propres solutions, en gardant en tête que la nature doit être respectée plutôt que dominée pour éviter qu’elle ne se venge », explique l’anthropologue. Ils cherchent d’autres sources de revenu en dehors de la pêche qui représente toujours de loin la principale ressource de leur pays.
S’imposent, d’une part, le tourisme en plein essor qu’ils veulent maîtriser, et d’autre part, une extraction minière à l’impact environnemental qu’ils s’efforcent de rendre le plus faible possible. « Il s’agit pour eux de maintenir leur niveau de vie, de diminuer leur dépendance économique envers le Danemark pour construire l'indépendance politique que la population appelle majoritairement de ses voeux », poursuit Jean-Michel Huctin.
Mais ils n’oublient pas de contribuer à leur niveau à l’atténuation de l’impact global des émissions de gaz à effet de serre : le gouvernement groenlandais a ainsi interdit en 2021 l’exploration de gisements de pétrole sur son territoire pour « prendre le changement climatique au sérieux ». « Même si une potentielle exploitation semblait peu rentable dans les conditions actuelles, cela reste une décision politique forte portant le message que l’écologie doit passer avant l’économie », conclut le chercheur. Une décision à souligner alors qu’a été publiée récemment la synthèse du 6e rapport du GIEC*.
Informations complémentaires
En savoir +
Crédits photos : Jean-Michel Huctin.
Le Projet SeMPER-Arctic
Ce qui est étudié au coeur du projet SeMPER-Arctic, c’est la résilience des populations du Groenland, c’est-à-dire l’ensemble des capacités individuelles et collectives qu’elles mettent en oeuvre pour surmonter les grands défis auxquels elles font face.
Partenaires du projet (financé par le Belmont Forum) :
CEARC, LSCE, la Maison d’enfants d'Uummannaq et son institut polaire (Groenland), Nordregio (Suède), le Copernicus Institute of Sustainable Development de l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), le Centre for the Study of the Sciences and the Humanities de l’Université de Bergen (Norvège).
Chercheurs de l’UVSQ impliqués : Jeanne Gherardi, Jean-Michel Huctin, Tanguy Sandré, Jean-Paul Vanderlinden.
Rappelons que le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), le laboratoire Cultures Environnements Arctique Représentations Climat (CEARC) sont rattachés à l'Observatoire de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ) et à l'Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL).
> Revue UVSQ n°11
Crédits photos : Jean-Michel Huctin.
Le Projet SeMPER-Arctic
Ce qui est étudié au coeur du projet SeMPER-Arctic, c’est la résilience des populations du Groenland, c’est-à-dire l’ensemble des capacités individuelles et collectives qu’elles mettent en oeuvre pour surmonter les grands défis auxquels elles font face.
Partenaires du projet (financé par le Belmont Forum) :
CEARC, LSCE, la Maison d’enfants d'Uummannaq et son institut polaire (Groenland), Nordregio (Suède), le Copernicus Institute of Sustainable Development de l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), le Centre for the Study of the Sciences and the Humanities de l’Université de Bergen (Norvège).
Chercheurs de l’UVSQ impliqués : Jeanne Gherardi, Jean-Michel Huctin, Tanguy Sandré, Jean-Paul Vanderlinden.
Rappelons que le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), le laboratoire Cultures Environnements Arctique Représentations Climat (CEARC) sont rattachés à l'Observatoire de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ) et à l'Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL).
> Revue UVSQ n°11