Aller au contenu

| | |

Vous êtes ici : UVSQ RechercheDoctorat

« L’innovation prédatrice sur les marchés des nouvelles technologies : analyses croisées en droit européen et nord-américain » par Thibault SCHREPEL

Discipline : sciences juridiques / Laboratoire de recherche Droit des Affaires et Nouvelles Technologies - DANTE

Résumé :
L’innovation est une variable souvent discutée en droit de la concurrence. L’innovation prédatrice l’est beaucoup moins. Peut-être est-ce dû au fait que les termes sont euphémiques : l’innovation est généralement conçue comme étant prédatrice par nature dans la mesure où son objectif est la création ou l’amélioration d’une chose existante dans le but qu’elle surpasse la chose d’un tiers. Peut-être est-ce parce qu’étudier l’innovation et ses mécanismes est un exercice souvent décrit comme étant complexe. Peut-être est-ce parce que le développement rapide des marchés liés aux nouvelles technologies s’est accompagné d’un courant doctrinal, en Europe comme aux États-Unis, qui prône la nécessité de retirer le droit de la concurrence de cette matière. Peut-être, enfin, est-ce parce que les décisions de justice n’ont que trop peu utilisé ce vocable d’innovation prédatrice, ce qui a conduit la doctrine à n’y consacrer que peu d’études, limitant d’autant plus son utilisation par les juridictions et autorités de concurrence. Reconnaître un régime à l’innovation prédatrice est pourtant l’une des nécessités de ce début de 21ème siècle en terme de droit de la concurrence. Les pratiques qui s’y rattachent surviennent régulièrement et visent à supprimer la compatibilité des technologies d’un tiers avec celles d’une entreprise dominante ou à altérer le fonctionnement de technologies concurrentes. Le droit de la concurrence doit y apporter une réponse. L’enjeu est considérable, mais il n’en demeure pas moins que le concept d’innovation prédatrice – que nous définissons comme l’altération d’un ou plusieurs éléments techniques d’un produit afin de restreindre ou éliminer la concurrence – est aujourd’hui ignoré ou mal compris du plus grand nombre. Les règles ainsi imaginées doivent être communes à plusieurs systèmes juridiques dans la mesure où les pratiques d’innovation prédatrice sont généralement mises en œuvre sur plusieurs continents à la fois. Notre étude prend le parti d’analyser les droits européen et nord-américain de la concurrence parce que leurs racines sont homologues et parce que les pays concernés justifient du PIB le plus élevé au monde. Le régime que nous exposons s’articule autour de deux étapes principales. Il s’agit pour commencer de rejeter toutes les règles per se en la matière, parce qu’elles ne répondent pas aux défis nouveaux du droit de la concurrence. Seule l’application d’une règle de raison structurée organisée autour de trois filtres permet le prononcé de décisions adaptées dans chaque cas d’espèce tout en éliminant les demandes pour lesquels aucun risque concurrentiel n’est envisagé. Un test amélioré de l’absence de justification économique doit ensuite être mis en œuvre pour toutes les pratiques qui ont un effet anti-concurrentiel au moins possible sur le plan théorique – celles qui ont passé les filtres – et qui méritent donc d’être analysées. Ce test, qui permet de ne condamner que les seules pratiques anti-concurrentielles, autorise par conséquent l’élimination des erreurs de type I et II. Il participe également d’une simplification d’un droit de la concurrence devenu parfois illisible. Une nouvelle étude – sur la base du test proposé – des plus grandes affaires européennes et nord-américaines en matière d’innovation prédatrice permet d’illustrer son efficacité. Il nous est enfin apparu nécessaire de traiter de la question de la sanction – ou remèdes – des pratiques d’innovation prédatrice. Il ressort de notre étude que le respect du choix stratégique de l’entreprise en matière d’interopérabilité doit être reconnu comme un principe immuable. Également, les modes alternatifs de sanction ne doivent pas être systématisés et le développement de la « soft law » doit prendre une direction nouvelle qui soit davantage centrée sur l’accompagnement des entreprises très innovantes.

Abstract:
Innovation is often discussed in antitrust law. Predatory innovation is less considered. Perhaps it is because predatory innovation is considered euphemistic: innovation is generally seen as being predatory by nature insofar as its objective is the creation or improvement of an existing product in order to surpass the product -another. Perhaps it is because studying innovation and its mechanisms is often described as a complex exercise. Perhaps it is because the rapid development of high-tech markets, in Europe and in the United States, was accompanied by a doctrinal movement, which preached the need to remove antitrust laws. Perhaps, finally, since court and competition authorities have only minimally termed predatory innovation, this has led the doctrine to devote minimal studies, thus resulting in the limiting of its use by courts and competition authorities. Recognizing the existence of predatory innovation is one of the great necessities of the early 21st century regarding antitrust law. Predatory innovation practices occur regularly and aim at removing the compatibility of third party technologies with those of a dominant firm or at impairing the functioning of competing technologies. As of today, antitrust law provides no answer to these strategies. The stakes are high; the concept of predatory innovation – which we define as the alteration of one or more technical elements of a product to limit or eliminate competition – is currently ignored and/or misunderstood greatly. This thesis focuses on European and North American antitrust laws because their roots are homologous and these countries represent the highest GDP in the world. With predatory innovation practices frequently implemented on several continents at once, overarching rules need to be extended to several legal systems. The regime we exhibit is organized around two main stages: The first implies to reject every related per se rule because they do not meet the new challenges met by antitrust law. Only the diligent implementation of a structured rule of evaluation organized around three filters will ensure appropriate decisions and the elimination of requests for which no antitrust issues are envisaged. Once evaluated by the three filters, an improved test of no economic sense must then be applied to all practices which have theoretical anti-competitive effects and determined fit to be further analyzed. This test, which specifically condemns anti-competitive practices, is a simplification of currently unreadable antitrust law and when applied will lead to the elimination of type I and type II errors. A new study – based on the proposed test – of the most notorious European and North American predatory innovation cases illustrates its effectiveness. The second addresses sanctions – or remedies – to predatory innovation practices. It appears that respecting the strategic choice of companies in terms of interoperability should be recognized as an immutable principle. Also, negotiated procedures shall not be systematized and the development of "soft law" must take a new direction aiming at supporting highly innovative companies.
Informations complémentaires
M. David BOSCO, Professeur agrégé, Faculté de droit et de science politique - Aix-Marseille - Rapporteur
M. Nicolas PETIT, Professeur, La Faculté de Droit et Science politique de Liège - Rapporteur
M. Spencer WALLER, Professeur associé, Loyola University Chicago - Co-encadrant de these
Mme Marie MALAURIE-VIGNAL, Professeur, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines - Directeur de these
Mme Hélène AUBRY, Professeur agrégé, Université Paris-Sud XI - Faculté Jean-Monnet - Examinateur
Contact :
DREDVAL - Service SFED :